Agités par les remous de la Garonne, les Requins Marteaux persistent à divulguer depuis presque trente ans des bandes dessinées d'auteurs fidèles et dévoués, novices et armés, un brin tumultueux, souvent méconnus et toujours talentueux.
Le collectif aux multiples boules à facettes perpétuent également un savoir-faire : l'art de la déclinaison grotesque. Un temps organisateurs de festival et producteurs de films, Les Requins Marteaux ne comptent plus le nombre d'expositions consacrées à l'univers flamboyant de leurs publications.
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UN PEU D'HISTOIRE...
Créée en mars 1991 à Albi par Marc Pichelin, Guillaume Guerse et Bernard Khattou, l’association Les Requins Marteaux apparaît d’abord comme un collectif d’auteurs voulant publier leurs BD et celles de leur entourage. Sans le savoir (ils n’ont pas encore la TSF à Albi), ils s’inscrivent dans le même mouvement que L’Association née quelques mois avant, ou encore Six Pieds Sous Terre la même année. Sauf qu’ils sont à Albi (personne n’a jamais osé leur contester la primauté de la Nouvelle Bande Dessinée Tarnaise ; d’ailleurs personne ne sait où se trouve le Tarn).
Très vite, le collectif d’auteurs pluridisciplinaire accouche du « Journal Ferraille », qui s’impose alors comme une plateforme centrée autour d’une galerie de personnages (notamment « M. Pabo et ses crétins d’amis », à l’instar des grands journaux populaires emmenés par des héros rendus vivants par la plume de nombreux auteurs), et met en lumière des auteurs tels que Bouzard, Pierre Druilhe, Morvandiau, Witko, Besseron ou Moolinex…
Mais si faire des livres semble une évidence, les auteurs souhaitent accompagner leur livre de nombreuses manières et multiplient les occasions de réaliser une exposition, une rencontre et surtout d’être « dans la place » : ils occupent alors tout l’espace possible en festivals, salons, et débits de boisson à l’allure modeste.
Les années 2000 signent un tournant au sein de la structure, « Le journal Ferraille » devient « Ferraille Illustré », accueille de nouveaux auteurs, et change de format pour devenir un objet plus luxueux. Dirigé par Winshluss, Cizo et Felder, il sera longtemps considéré comme un passage obligé pour une nouvelle génération d’auteurs. Creuset de nouveaux personnages comme « Monsieur Ferraille », anti-héros de Winshluss & Cizo, Les Requins Marteaux prolongent leur travail par des expositions comme « Le musée Ferraille » (relatant tout l’environnement autour de Monsieur Ferraille et l’inscrivant dans la grande Histoire), ou encore le « Supermarché Ferraille », veritable spectacle-exposition singeant l’univers de la grande distribution. Dans cette même lancée, la revue « Ferraille Illustré » est en toute logique rachetée par un nouvel avatar inventé par le collectif, le conglomérat Méroll, sous la direction de Franky Baloney, roi du managering existentiel et du défrichage de talents.
Les Requins Marteaux deviennent également à cette époque producteurs de films (Entre 4 planches, Monsieur Ferraille, Villemolle 81...), producteurs et diffuseurs d’exposition, et en tant qu’éditeurs, ils remportent en 2009 le Fauve d’or au Festival d’Angoulême pour Pinocchio de Winshluss.
En 2011, les Requins Marteaux quittent Albi pour venir habiter à La Fabrique POLA à Bordeaux. Ils deviennent alors un des acteurs de ce lieu de fabrique artistique et culturelle et s’inscrivent pleinement dans la coopération de cet ambitieux projet.
Dans le même temps, les idées éditoriales bourgeonnent et Aude Picault inaugure la collection BD CUL dirigée par Felder et Cizo. D’autres auteurs, et non des moindres, se prêteront au challenge, Bastien Vivès, Hugues Micol, Nine Antico, Mrzyk et Moriceau, Bouzard, Anouk Ricard, Ugo Bienvenu, El Don Guillermo, ou encore Morgan Navarro qui reçoit pour son Teddy Beat le prix de L’Audace à Angoulême en 2012.
En parallèle, ils relancent un journal illustré et coéditent, à partir de 2014, une revue à sexe variable. Elle est « Franky (et Nicole) » quand vient l’été mais devient « Nicole (et Franky) » chez Cornélius dès les premières gelées de janvier. La revue « Franky » cessera cependant de paraître après 3 numéros, laissant « Nicole » de Cornélius caracoler dans le hit-parade des meilleures mais non-rentables revues de bande dessinée.
L'année de leurs 30 ans, Les Requins Marteaux organisent sous le patronage de Winshluss l’exposition « Même pas mort ! » en septembre 2021 à la Fabrique POLA, objet ironique rappelant autant la fragilité d’une petite structure éditoriale qu’un acte de bravade à ceux qui veulent bien l’entendre. Avec la mise en place d’une nouvelle génération prenant les commandes de la coordination éditoriale, d’aucuns disent qu’une nouvelle page des Requins Marteaux va s’écrire…