Le goût du paradis
L’ouvrage pourrait se lire comme une version moderne des Mémoires d’une jeune fille rangée, transposées dans une banlieue du 93. Comment trouver sa place quand on est une gentille fille à papa, blanche de surcroît, tiraillée entre sa bonne éducation et une fascination voluptueuse pour les petits caïds
de la cité ? Il y a d’abord la petite fille qui se rêve en femme et
« fait la drague contre l’arbre » de la cour d’école. Puis, vient l’adolescente qui s’ennuie ferme le dimanche en famille, préoccupée par les garçons, la boom de Soizic et comment gagner l’amitié de Nanou, LA fille charismatique du lycée.
C’est toute une époque, celle des années 1990, qui jaillit de
cette joyeuse effervescence de culture populaire et urbaine, où sont convoqués, pêle-mêle, le tiercé de Guy Lux, Hélène et les garçons, © Barbie, les dimanches de Jacques Martin, Carlos et Rondo Véneziano… Nine Antico nous charme par une écriture inventive et un sens aigu de la saynète, percutante et souvent hilarante. Son dessin tout en rondeurs et arabesques, qui évoque plus qu’il ne fige, trouve sa singularité dans la parfaite synthèse entre le rétro de la belle époque, l’art urbain des tags, le psychédélisme des seventies et la sensualité onirique
d’un Guido Crepax.